Par roussel le 29/07/10 – 10:24
La pédagogie des grands groupes
Karim Nikiema, ABFP-EM Burkina Faso
Synthèse de l'atelier par Martine Roussel
Le contexte
Dans l'école de Karim, il y a 6 divisions (CP, CE1...), regroupant de enfants de 7 à 16 ans. Il suit sa classe pendant plusieurs années ( il suit ses élèves actuels depuis 6 ans).
A Ouagadougou comme dans la périphérie des grandes villes du Burkina Faso, par manque de personnel, les classes comportent entre 55 et 120 enfants (au delà on considère que c'est une foule. On subdivise alors le groupe : la moitié des enfants viennent le matin, l'autre moitié l'après-midi). Remarque : à la campagne les enfants vont peu à l'école, les classes ont souvent 10 à 12 élèves car les enfants travaillent. Dans certaines régions rurales il n'y a pas d'école.(1500 enseignants recrutés par an, formés dans 5 centres).En ville il y a plus d'institutrices que d'instituteurs.
A Ouagadougou, dans sa circonscription d'enseignement, il y a 10 écoles publiques et 23 écoles privées. Ces dernières testent les enfants à l'entrée, et sont chères.
Pour encourager la présence des filles, l'école publique est gratuite pour elles, alors qu'elle est payante pour les garçons.
A l'école « classique » les enfants (à partir de 6 ans)et le maître parlent français (il y a 60 langues dans le pays). Il se crée des écoles bilingues (langue locale et français), où les enfants entrent à 5 ans,mais en ville les parents demandent le français.
Cela évite la « guerre des dialectes », le français permet de tout dire, et c'est la langue de la promotion sociale (des témoignages concordants dans l'atelier de collègues du Mali et du Bénin).
Dans les écoles traditionnelles, la plupart du travail est collectif : le maître est au tableau et explique à tous les enfants. Tout le monde fait la même chose au même moment.
La pédagogie des grands groupes dans une classe Freinet.
« subdiviser pour mieux contrôler ». Responsabilité, autonomie, solidarité.
Constitution des groupes :
Le grand groupe d'enfants (de 55 à 120) est partagé en petits groupes hétérogènes de 6 à 9 enfants. Pour une bonne dynamique du travail coopératif dans chaque groupe on recherche la mixité garçons/filles, des niveaux scolaires variés, et on fait attention de ne pas mettre ensembles des fratries ou des enfants qui auraient des conflits entre eux. Si un enfant a du mal, on lui associe un tuteur pour l'aider.
Où travaillent les groupes
80% du temps de classe se passe en travail individuel en petit groupe ( 20% en collectif).
Pendant ces temps, le maître est dans la classe avec deux groupes (moins de 20 enfants), les autres travaillent à l'extérieur, réunis sous un arbre autour d'une ardoise géante (planche de contreplaqué de 60cm x 45cm). Il n'y a pas de bruit, puisque c'est le règlement. Le chef du groupe en est garant. Dans la classe, les tables sont installées en îlots, perpendiculaires aux tableaux (qui se font face sur deux murs opposés), les enfants d'un groupe s'assoient autour d'un îlot.
Activités dans les groupes :
Le maître distribue une consigne précise aux groupes en fonction de la notion du programme travaillée. Ainsi les enfants savent ce qu'ils ont à faire. Ils travaillent sur leur ardoise individuelle, puis mettent en commun dans le petit groupe sur l'ardoise géante, puis lors de la mise en commun de la classe la réponse est écrite au tableau, et enfin les enfants recopient sur leur cahier ce qu'ils doivent retenir.
Rôle des enfants dans les groupes. Responsabilités
Dans chaque groupe il y a : un responsable du matériel, un secrétaire, un porte parole et un chef. Ces tâches « tournent » pour responsabiliser tous les élèves. Le chef est élu lors d'une Assemblée.
Parfois il y a un enfant tuteur d'un autre, en difficulté, pour l'aider en classe ou dans son travail à la maison. Il doit rendre compte du travail au maître.
Rôle du maître
Le maître donne les consignes de travail, coordonne les mises en commun, conseille, encourage, donne des compléments. Il peut régler certains conflits, et évalue le travail des enfants.
Prises de décisions
Tous les 15 jours il y a une réunion des responsables de groupe avec le maître. Elle se passe pendant une récréation et dure 20 minutes. On identifie et tente de résoudre les problèmes de fonctionnement qui se posent dans chaque groupe. Les enfants apprennent la prise de parole et la responsabilité.
Evaluation
Afin de réguler le travail des groupes, le maître organise des évaluations pronostique, (avant), formative (en cours de travail) ou sommative (à la fin). Elles sont selon les moments collectives, individuelles, et il y a de l'autoévaluation.
Des activités d'expression
La classe a des correspondances scolaires, avec des classes locales ou de France. Les enfants posent des questions, répondent aux questions reçues, dessinent ou envoient des petits objets.
Les difficultés
Il n'y a pas assez de matériel : tables, livres...
Des avancées
En ville, les ouvriers, artisans adultes , qui n'ont pas été scolarisés, suivent des cours du soir (payants). Les cours sont donnés par des étudiants ou des ONG.
L'école publique tend vers la gratuité, et il n'y a ni redoublement ni renvoi de l'enfant qui a du mal en CP (première année).
Ce que la pédagogie Freinet a apporté :
des principes : donner le pouvoir aux enfants, respecter les droits des enfants, le savoir n'appartient pas au maître. Il ne faut pas organiser la discipline, mais le travail.
Depuis qu'il travaille avec cette organisation, il peut observer que les enfants n'ont pas tous les mêmes problèmes et de plus en plus il peut différencier sa pédagogie.
présence
Cet atelier court de Karim a eu lieu le 21 juillet à 16 h 30. 15 personnes ont participé à cet atelier.
Jean Dayé présent a participé activement, le Bénin connaissant les mêmes problèmes avec des groupes toutefois moins nombreux et de nombreuses questions ont été posées. Les personnes présentes ont été sensibles à ces difficultés et cela leur a paru totalement opposé à ce qui se passe en Europe où les grands groupes ne dépasse pas 40.
Karim et François , le 8 août 2010